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20 novembre 2015 5 20 /11 /novembre /2015 14:35

Nouvel extrait du livre de W.H. Hudson : "Au loin, jadis". Où il est question de paysages à jamais disparus...

En ces lieux gîtait aussi la splendide échasse blanche et noire et plusieurs autres espèces trop nombreuses pour être énumérées. Mais mon plus grand bonheur était d'y découvrir les oiseaux que je préférais à tous les autres, oiseaux de l'espèce des troupiales des marais, de la même taille et au même uniforme pourpre foncé que le vacher commun, mais coiffés d'un chaperon de plumes marron. J'aimais ces oiseaux à cause de leur chanson trillée dont les premières notes étaient si délicates et tendres. Au printemps et à l'automne, ils venaient parfois sur notre plantation et s'installaient par centaines pour chanter dans nos arbres.

Une beauté disparue

Ce fut tout près de l'eau que je découvris l'endroit où ils nichaient. Quatre ou cinq cents d'entre eux avaient là leurs nids rapprochés, et tous ces nids garnis de leurs oeufs, les plantes qui les soutenaient et les oiseaux pourpres voletant inquiets autour de moi formaient un tableau d'une beauté qui m'enchanta.

 

Ces nids se groupaient sur une bande de terre basse et marécageuse couverte d'une plante semi-aquatique appelée durasmillo. Le durasmillo ne possède qu'une seule tige blanche et d'apparence fibreuse, haute de soixante à nonante centimètres et à peine plus épaisse que le doigt d'un homme, courronnée de grandes et souples feuilles lancéolées qui la font ressembler à un palmier miniature ou plutôt à un ailante au tronc mince et parfaitement blanc.
 

Une beauté disparue

Le fleurs solanées sont pourpres et les fruits, par bouquets de trois à cinq ou six, gros comme des cerises, d'un noir de jais. Dans ces forêts de palmes minuscules, les nids s'attachent à deux ou trois tiges rapprochées, longs nids profonds, habilement entrelacés de feuilles de roseaux sèches ; les oeufs sont blancs ou d'un bleu de lait écrémé, tachetés de noir au bout le plus large.

 

Ce marais enchanteur, avec sa forêt de gracieux arbres lilliputiens, où les troupiales, très sociables, chantaient en tissant leurs nids et élevaient leurs petits ensemble, ce marais est maintenant, j'imagine, un immense champ de blé, de luzerne ou de lin, et les gens qui y vivent et y travaillent ne savent rien de ses premeirs et ravissants habitants. Ils n'ont jamais vu les troupiales au plumage pourpré, à la toque marron et à la délicate chanson trillée. Ils n'ont même jamais entendu parlé d'eux.

 

Et lorsque je me remémore ces scènes évanouies, les étangs de roseaux et de fleurs, vivants de leur multitude diverse d'oiseaux farouches, le nuage d'ailes étincelantes, l'animation des cris sauvages, la joie indicible que j'éprouvais ces premières années, je suis heureux de penser que je ne retournerai jamais là-bas, que je finirai ma vie à des milliers de miles de ce pays, enretenant jusqu'au bout, dans mon coeur, l'image d'une beauté qui a disparu de la terre.

W.H. Hudson, Au loin, jadis, pp. 294-295.

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