Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 avril 2008 3 16 /04 /avril /2008 21:20

"Où étais-tu donc ? On commençait à être inquiets, même les pêcheurs ne t'avaient plus vue !"

Je suis tentée de répondre à Max que j'étais au paradis.
Depuis plus d'un mois, je n'ai vu aucun être humain et j'avais presqu'oublié que j'en étais un, à force de vivre parmi les animaux des Galapagos.J'ai encore les yeux remplis de paysages fabuleux, le coeur plein de ces émotions qui n'ont pas de nom mais vont profond, profond au fond de l'âme et vous laisse gai ou triste.

Tant de baies, d'îles, de rochers déserts. Et plus on s'éloigne des lieux habités, plus les animaux sont familiers. A Plazza, une petite otarie avait élu domicile dans mon dinghy. Le ventre en l'air, la tête reposant sur le coussin gonflable du siège... Pour reprendre possession de mon youyou, j'ai dû le retourner pour en vider l'otarie qu'aucune parole, aucune secousse vigoureuse n'avait décidée à bouger. A peine mon dinghy remis à l'endroit que hop! ce drôle d'individu ressautait dedans. C'était devenu un jeu...
La nuit, par un beau clair de lune, je les ai vues jouer à la balle avec mon zodiac, le poussant de l'une à l'autreà l'aide de vigoureux coups de nez. Subitement lassées de ce jeu, elles sont venues se gratter le dos à la carêne de mon bateau. Ah ça, non ! Mon antifouling ! A la lueur de la lune, je voyais des nuages de ma précisuese peinture se mèler à l'eau. Que faire ? Impossible de les effrayer : mettre à l'eau ma torche étanche allumée, sauter à pieds joints dans le bateau pour faire un maximum de vacarme et finalement mettre le moteur en route. Rien ne leur fait peur !

Mais mon plus joli souvenir d'otarie, c'était à Santiago. Une côte de lave craquelée d'innombrables crevasses où l'eau s'engouffre lorsque la mer est forte, creusant de profonds tunnels.
Il faisait beau, l'eau était d'un vert lumineux, entourée de roches noires. J'avais envie d'une langouste et m'étais mise à nager, ce qui n'est pas dans mes haitudes car j'ai peur de plonger seule. Sans raison bien fondée, mais c'est comme ça, et ce brin d'anxiété me gâche le plaisir. Enfin, je voulais une langouste ! Et je plongeais en pensant... à une rencontre possible avec un requin. Etat d'esprit idéal pour qu ela terreur me pétrifie lorsqu'une forme noire, ombre vivante, rapide comme l'impossible, fonce sur moi. A la dernière seconde, d'un mouvement souple comme l'eau, la "chose" m'évite et je reconnais une grosse otarie qui me lance au passage un coup d'oeil malin. Elle m'a bien eue et on jurerait qu'elle se paie ma tête. Elle revient, recommence, mais cette fois, j'ai réussi à la toucher, elle bondit. Ah, Ah ! A chacun son tour, ma vieille ! Et c'est le début d'un jeu extraordinaire où je ne gagne que rarement et sans doute parce que l'otarie le veut bien. Je suis d'une telle lenteur dans l'eau comparée à son agilité ! Au bout d'un petit quart d'heure, je mets pied à terre, si fatiguée que je ne peux me tenir sur mes jambes. Une grosse tête sort de l'eau : mon otarie ! Elle me regarde, vient frapper de ses nageoires le rocher où jeme trouve plonge, revient et recommence... On dirait un chien qui veut jouer ! C'est tellement clair que je retourne à l'eau, l'otarie est là et nous reprenons ce drôle de jeu.

Pas de langouste pour mon dîner, mais l'un des plus beaux souvenirs de mes Galapagos.

La tente de Max s'emplit d'odeurs extraordinaires, de choses qui fristouilles, d'ail, de chou... Tout en m'écoutant, Yolande tourne dans ses casseroles. J'ai du mal à penser à ce que je dis, la perspective du dîner me coupe la parole. Tant pis, je leur raconterai une autre fois ou peut-être jamais les escalades de volcans, le Sombrero Chino dont les parois cassent sous les pas avec un bruit de vaisselle brisée, la raie manta plus large que l'Esquilo, les centaines de dauphins au ventre rose, les mouettes aux ailes ouvertes que le vent attrape et jette dans les airs...
Nicole Van De Kerchove, Sept fois le tour du soleil, M.D.V., 2001, pp 117-119.
Encore un petit extrait en hommage à cette navigatrice disparue récemment.
Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Un blog de Nature Writing
  • : Aimant la nature, la randonnée la philosophie et les récits de voyages, je vous livre ici des extraits, parfois commentés, de livres que j'ai aimés, en rapport, et si possible à l'intersection, de ces différents sujets.
  • Contact

Recherche

Archives

Catégories

Liens