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19 avril 2008 6 19 /04 /avril /2008 14:05

14 avril. - Fait ma promenade quotidienne par -33°C. Le soleil était tombé derrière l'horizon et un bleu, d'une richesse inconnue, envahissait tout, hors les dernières étincelles du couchant. A l'ouest, à mi-chemin du zénith, Vénus resplendissait tel un diamant. En face, dans l'est du firmament, scintillait une autre étoile brillante aussi admirablement montée que Vénus dans sa mer bleue. Au  nord-est une aurore serpentine vert argent frémissait doucement. Par endroits, la blancheur de la Barrière (banquise) prenait des teintes de platine mat. Tout cela était délicat et passager. Les couleurs étaient atténuées et leur palette restreinte, les bijoux n'étaient pas nombreux et sobrement montés. Mais cela formait un ensemble où l'on reconnaissait une main de maître.
    Je me suis arrêté pour écouter le silence. Mon souffle se cristalisait en traversant mes joues et devenait une brise plus douce qu'un murmure. Les girouettes pointaient vers le pôle Sud. Brusquement, elles cessèrent de tourner, indiquant que le froid venait de tuer le vent. Ma respiration gelée était suspendue comme un nuage au-dessus de ma tête.
    Le jour mourrait, la nuit venait tranquillement au monde. Les événements et les forces impondérables de l'univers se déroulaient et se jouaient ici silencieusement, harmonieusement. Oui, harmonieusement. C'était bien cela qu'il y avait dans ce silence, un rythme doux, la résonnance parfaite d'une corde de musique, la musique des hémisphères peut-être.
    Il me suffisait de saisir ce rythme, de m'en sentir momentanément partie intégrante. A cet instant, j'ai senti combien l'homme fait un avec l'univers. J'ai acquis la certitude que ce rythme est trop ordonné, trop harmonieux, trop parfait pour être un simple produit du hasard, que donc derrière tout cela il y a un dessein, que l'homme, loin d'être pur accident, entre dans ce dessein. Ce sentiment élève la raison, il descend au coeur d'un être et lui fait découvrir l'inutilité du désespoir. L'univers ? Un cosmos, non un chaos ! De cet univers, l'homme fait partie au même titre que le jour et la nuit.
Richard E. Byrd, Seul, Phébus, 1996, p. 80.

L'ordre de l'univers est-il l'indice d'un dessein qui le traverse ou le simple signe d'une grande mécanique ? Pour moi, le signe du dessein n'est pas dans l'ordre ou dans la régularité. Celle-ci n'indique au mieux qu'une répétition aveugle et anonyme, signe éventuelle d'une mise en ordre passée. Le signe du dessein réside plutôt dans la conscience humaine jaillie de cet univers-même, et qui s'interroge, y percevant de l'ordre, de la beauté, et faisant passer cet univers de l'inconscience à la conscience, l'ordonnant dans une connaissance vivante. Un dessein ne se manifeste pas dans un ordre car un ordre reste essentiellement statique et figé. Un dessein se manifeste plutôt dans un mouvement, une dynamique, qui indique une direction et une provenance, une origine et une fin, non une répétition. En ce sens, la question devient : est-il anodin que l'univers finisse par produire des êtres capables de le connaître et de le réfléchir, d'en décoder les lois et de le trouver beau ?
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  • : Aimant la nature, la randonnée la philosophie et les récits de voyages, je vous livre ici des extraits, parfois commentés, de livres que j'ai aimés, en rapport, et si possible à l'intersection, de ces différents sujets.
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