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20 mai 2008 2 20 /05 /mai /2008 20:27

    Au moins ai-je l'impression en voyageant avec mes enfants que les moments de chamailleries et ceux de tendresse s'équilibrent. Ils me font penser à de jeunes fauves qui se mordillent à journée longue avant de s'endormir emmêlés les uns aux autres.
    Peut-être est-ce pour cela que j'aime tellement la nuit. Une vieille habitude de mère, penchée au-dessus de ses enfants endormis, métamorphosés en petits anges...

    Cette nuit, je voudrais rester éveillée. Je savoure non seulement le calme mais cette rare sensation de dépaysement, à des milles du port et de nos repères familiers. Bali m'apparaît beaucoup plus mystérieuse ici, loin des routes fréquentées.

    Je nous revois, un peu plus tôt, dans le vieux temple de Pura Lahur, vaste enceinte érigée en pleine jungle sur un flanc du mont Batukau. Les dieux doivent se plaire au milieu de cette végétation luxuriante, dans une éternelle pénombre propice au recueillement et aux prières.
    Nous avançons d'un autel à l'autre, revêtus de paréos comme le veut la coutume religieuse, mais avec l'insouciance des athées. Nos regards croisent ceux des statues, divinités ou gardiens muets du temple, qui nous fixent avec une gravité troublante.
    Sommes-nous vraiment seuls, dans ce lieu consacré à la reconnaissance des forces divines ?
    Pour sonder certains mystères, il nous manque d'abord la foi. Et le temps. Ici encore, nous effleurons une réalité totalement différente de la nôtre. Autrefois, j'en aurais éprouvé de la frustration : pourquoi voyager si nous naviguons à la surface des choses ?
    Ne sommes-nous pas pris au piège de ce mouvement qui nous pousse ailleurs, à peine arrivés au seuil d'un autre monde ?

    Il m'a fallu longtemps pour saisir la profondeur de notre errance. Comme l'oiseau migrateur, nous dirigeons une grande part de notre énergie dans le vol lui-même. La gravité de notre voyage se dissimule ainsi, au coeur de son apparente légèreté...

    Les rafales de pluie me tiennent à demi-rêveuse jusque tard dans la nuit. A mon réveil, les nuages ont rejoint les sommets du mont Batukau. La journée sera belle.
Carl Mailhot et Dominique Manny, la V'limeuse autour du monde, tome2, 1995, pp.39-40.
C'est un sentiment souvent éprouvé lorsqu'on voyage, pour peu que l'on soit ouvert aux milieux humains rencontrés et traversés : que gagne-t-on à passer si c'est pour ne jamais demeurer ? A quoi bon voir beaucoup si c'est pour ne rien goûter en profondeur ? Est-ce par peur de découvrir la banalité de la vie partout où elle se trouve que le voyageur se contente de la surface des choses, ne restant nulle part, ne s'enracinant nulle part, sinon dans le sentiment illusoire d'une découverte toujours renouvelée, d'une nouveauté sans cesse reproduite, mais jamais approfondie et, finalement, jamais rencontrée ?
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  • : Un blog de Nature Writing
  • : Aimant la nature, la randonnée la philosophie et les récits de voyages, je vous livre ici des extraits, parfois commentés, de livres que j'ai aimés, en rapport, et si possible à l'intersection, de ces différents sujets.
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