16 juin 2008
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Notez bien, non pas jouir, non pas profiter, mais aimer la vie... Tellement vrai !Il vient toujours un moment où, dans mon cours de philosophie, un étudiant soulève la question, quitte à rougir d'embarras parce qu'elle semble parodier toutes les autres. Quoi qu'il en soit, le voilà qui se lance : Pourquoi tout cela ? Qu'est-ce que cela signifie ? Quel est le sens de la vie ?
Le plus souvent, la question se laisse facilement éluder. L'enseignant joue les beaux parleurs, botte en touche, et comme la philosophie, de nos jours, est surtout affaire de langage, il lui suffit de retourner la question à l'envoyeur, ou de lui répondre que, si elle lui vient à l'esprit, sans aucun doute la réponse ne le satisfera-t-elle pas. Et les mots finissent par manquer, et les étudiants s'agitent sur leur chaise, impatients de revenir aux questions susceptibles de tomber à l'examen.
Mais voilà : la semaine dernière, une étudiante qui avait travaillé la métaphysique et l'épistémologie, et Soren Kierkegaard, une étudiante qui lisait Kant et apportait des fruits en classe, s'est tuée chez elle d'un simple coup de fusil en pleine tête, assise à sa table de cuisine. Elle n'a laissé aucune note, aucune explication, et personne n'y comprend rien. Ses professeurs s'afaissent contre les murs de la classe sans pouvoir prononcer un mot. Nous comprenons, trop tard, que nous n'avons jamais appris à nos étudiants ce que les canards savent sans savoir. Que, comme le disait Dostoïevsky, "il nous faut aimer la vie plus que le sens de la vie." Il nous faut aimer la vie par dessus tout, et de cet amour naitra peut-être un sens. Mais "si cet amour de la vie disparaît, rien ne peut nous consoler."Kathleen Dean Moore, Petit traité de philosophie naturelle, Gallmeister, 2006, p. 20.