Lire de la poésie est chose difficile. Il faut beaucoup de phrases quelconques plus ou moins bien agencées pour que soudain, au détour d'une strophe, quelques mots frappent juste et loin. Pourquoi ceux-là, cette fois-là ? Mystère ! Mais ces mots suffisent à justifier tout le reste et nourrissent la lumière dont la poésie habille les choses. Au moins dans la mémoire.
Juste quelques mots donc, extraits en désordre d'un texte de Yeats : les errances d'Ossian.
Mais la lune brillait à l'Occident pâli
Comme une blanche rose, et le bord du soleil
Se noyait peu à peu dans les bancs de nuages
Etagés autour de son orbe cramoisi
(...)
Comme des doigts de suie des arbres par milliers
Se levaient un à un des eaux tièdes de la mer ;
Ils étaient agités d'un tremblement sans fin
Et semblaient rythmer sur le coeur du soleil
Cette chanson des bois et son rire profond.
J'aimerais être là-bas quand monte la lune blanche
Quand sombre le rouge soleil et que s'estompe le monde.
W.B. Yeats, La rose et autres poèmes, traduit par Jean Briat, Points poésie, 1998, 23, 27, 29.