27 mars 2009
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Premier extrait du dernier livre des éditions Gallmeister dans la collection Nature Writing, Sortilèges de l'Ouest de Rob Schulteis. Qui nous rappelle la fragilité le plus souvent inaperçue et oubliée de nos civilisations humaines, comme un appel à la modestie et à l'humilité.
"Il y a plusieurs siècles - presque mille ans pour être précis -, les Papagos étaient l'un des peuples les plus civilisés de la terre ; les archéologues appellent leurs ancêtres les Hohokams. Ils avaient édifié de petites villes, creusé des réseaux de canaux d'irrigation, bâti des pyramides en pierre et inventé un calendrier ; ils auraient pu rivaliser avec les égyptiens de l'époque des pharaons et les chinois de la période Han. Puis, quelque chose s'était produit - rien que quelques centimètres de pluie en moins pendant quelques années de suite. La sécheresse avait épuisé les réserves de nourriture et, sans elles, les Hohokams ne pouvaient assurer la construction des pyramides ni subvenir aux besoins des artistes et des prêtres technocrates en charge du calendrier.
La civilisation est un luxe, bien sûr, une fine couche de dorure sur l'existence humaine. Grattez le vernis délicat du supplément d'énergie et de matière première qui le constitue, et l'existence redevient une pure question de survie. Les cités disparurent ; prêtres, bardes et artisans s'évanouirent. Les fiers et splendides Hohokams se changèrent en pauvres et humbles Papagos. Les canaux se remplirent de poussière. Quelle différence peuvent produire quatre ou cinq centimètres d'eau de pluie. De quel léger voile de bruine se parent nos rêves de puissance ! "
Rob Schulteis, Sortilèges de l'ouest, Gallmeister, 2009, p. 124.