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13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 23:36

Encore un petit extrait d'Odette du Puigaudeau, où l'on voit se déchaîner une tempête de sable saharienne :

   Cela commençait par un malaise, le sentiment d'une approche redoutable devant laquelle la brousse s'immobilisait, muette, raidie. Les chameaux énervés accéléraient le pas. Nous, les gens, nous nous taisions, haletants, oppressés par la chaleur irrespirable, bouche tendue, souffle coupé.
   Lentement, à l'est, du jaune montait dans le ciel. Le bas du ciel rosissait comme au-dessus d'un feu qui aurait brûlé derrière l'horizon. De lourdes fumées roulaient en volutes, s'élevaient, s'amalgamaient, formaient bientôt une muraille sombre qui s'avançait d'une seule pièce, effaçant l'un après l'autre les guelbs, les rochers, les arbres lointains, et les plus proches auxquels nous venions de couper des bâtonnets gluants de sève pour rappeler, en les mâchant, un peu de salive dans nos bouches. Nous forcions nos montures de la voix et du pied. Nous fuyions. Atteindrions-nous à temps cette guitoune de bergers, cette palmeraie, cette grosse roche, cette entaille de la montagne, ce buisson, n'importe quoi ?
   Un ronflement passait sur la brousse et, en même temps, on entendait le gémissement de tous les arbres courbés les uns après les autres, avec leurs branches rejetées toutes du même côté, sans un sursaut, solidement maintenues sous la poigne du vent d'est.
  Il n'était pas encore sur nous, mais, poussé par son souffle, l'air stagnant qui nous étouffait se mettait en mouvement, devenait un vent clair, affolé comme s'il tentait de fuir, lui aussi. Le vent jaune, le vent épais le rattrapait en deux ou trois rafales d'avant-garde, bien larges, bien horizontales, bien soufflantes, coupées de pauses, juste le temps de reprendre haleine. Des averses de sables crépitaient.
    Après, il n'y avait plus de rafales ni d'accalmies. On ne voyait plus rien ; il n'y avait plus rien à faire, qu'à se rouler en boule, la tête sur les genoux, dans l'âouli. On était dans la masse de la tornade, dans cette dune volante qu'elle avait ramassée, brassée, poussée à travers tout le Sahara, prenant et jetant à la fois, et qu'elle continuait à ramasser ici par charges qui roulaient en un instant sur le sol, se levaient en tourbillonnant et partaient avec elle.
    On savait que le gros de la tornade sêche était passée quand de larges gouttes d'eau se mêlaient au sable. Alors on se risquait à respirer, à se secouer, à regarder. Au nord-est, à la place du mur de sable, s'élevait à présent une montagne de suie courronnée d'une ébulition  noire et grise. Le reste du ciel, à son tour, brûlait.
    Des éclairs déchiraient le noir comme si les gigantesques masses de nuages faisaient feu en se heurtant et comme si le tonnerre était le bruit de leurs chocs et de leurs écrasements. Et quand ils avaient gagnés tout le haut du ciel, le vent jetait un déluge d'eau sur la brousse qu'il tenait gémissante et couchée sous lui sans qu'elle pût se débattre.
Odette du Puigaudeau, Tagant, Phébus, 1993, p. 129-131.
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11 mai 2008 7 11 /05 /mai /2008 23:55

La V'limeuse autour du monde est un livre en deux tomes racontant le tour du monde à la voile d'une famille québécoise. Un très beau récit de mer au style simple et authentique.
    La magie d'une chevauchée nocturne... Quelques instants en dehors du temps normal, de ceux qu'on n'oubliera jamais. C'était la nuit dernière...
    - Maman, peux-tu me réveiller avant ton quart ?
    Il y a bien longtemps que Sandrine n'est venue observer les étoiles auprès de moi. C'est une activité réservée aux longues traversées et la dernière remonte à plus d'un an. Si nous avons passé de nombreuses soirées à explorer ensemble la carte du ciel, jamais nous n'avons partagé un vrai quart de nuit. Pour un enfant, cela demande une grande motivation de quitter le doux confort des draps au beau milieu des rêves.
    Il est deux heures du matin lorsque je me dirige à l'avant du bateau. On entend les vagues se froisser délicatement sur la coque. Depuis que le beau temps est revenu, le grand panneau près du lit des jumelles demeure ouvert. La brise effleure les joues de Sandrine et de Noémie, petites dormeuses enlacées. Si parfois j'ai des doutes sur le fait qu'elles soient identiques, ils s'évaporent en les voyant ainsi liées dans le sommeil, les traits de leurs visages au repos. J'embrasse Sandrine sur le front et lui chuchote que c'est l'heure.
    Peu après, elle grimpe dans le cockpit avec son oreiller sous le bras une couverture autour des épaules et une paires d'écouteurs qu'elle branche sur la prise jumelle de mon baladeur. Et nous voilà parties !

    La lune se couche à l'ouest, droit devant nous. La voix du chanteur tahitien Angelo accompagne les mouvements lents du bateau. (...) les secrets de cette langue toute en voyelles nous échappent. Mais, pour nous, la poésie maori fait revivre la beauté des îles de lumière et d'embruns qui ont disparu dans le sillage. Elle parle de mer, de soleil et d'amour. Peut-être parle-t-elle aussi du sourire de la lune posé sur l'océan, de sa longue coulée entre les étoiles...
    Le mystère des mots se déverse dans la nuit tandis que nous suivons l'étrange sillon argenté, comme un sentier de lumière à la surface des vagues. Assises côte à côte sous le grande voute céleste, nous baignons dans cette lumière infiniment douce. Jamais un coucher de lune ne m'a paru aussi troublant. Tout est empreint de magie et de féerie : la sensualité de la musique tahitienne, la brise qui nous pousse avec une extrême légèreté, la V'limeuse pleine de grâce... Et devant nous, avalant la nuit, gorgée des rêves de l'humanité, la lune qui enfle à ne plus finir et nous inonde de tendresse.

    Combien de temps restons-nous ainsi, à chevaucher ce pont tendu entre le réel et le fantastique ? Longtemps nous faisons cap sur "Elle". Sandrine a appuyé sa tête sur mon bras. Petite, toute petite au royaume des songes. Et je suis heureuse.

    J'aime la mer pour ces soudaines déchirures dans le monde de nos habitudes. Pour ces moments qui viennent nourrir des cellules oubliées et s'impriment dans la mémoire de l'âme.

    La lune a vacillé sur l'horizon comme un feu de navire, puis elle a disparu. Les nuages tapis dans l'ombre des rideaux semblaient attendre la fin du spectacle pour éteindre les étoiles une à une. Sandrine et moi sommes allées dormir. Au matin, le Pacifique avait repris son visage sombre.
Carl Mailhot et Dominique Manny, La V'limeuse autour du monde, tome 1, 1995, pp. 234-236.
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5 mai 2008 1 05 /05 /mai /2008 22:23
    Du silence sur du sable... Du silence sous un ciel couleur de sable : le Sahara des Maures, quelque part dans l'Adafer.
    De sable, les collines pâles qui échancrent l'horizon. De sable, la rivière immobile. De sable, la berge qui s'élève doucement vers un amas de roches brillantes et lisses comme l'étain et le plomb.
    Du sable moiré par le vent.
   Des touffes de graminées légères le brodent çà et là de teintes délicates et tristes : vert amandes, jaune pâle, gris argent. Des arbustes bas qui semblent décapités y entrelacent les ombres de leurs branches.
    Non, pas un oiseau, pas un chant. L'eau est trop loin.
   Pas un pied d'homme non plus, sur le sable ; pas de cendres refroidies ; pas de morsures d'animaux domestiques aux branches épineuses des mimosées ; La nature est libre comme au cinquième jour du monde.
    Qui habite là ? Ceux qui ont inscrit leurs noms en traces légères sur le sable : sabots aigus des gazelles, pattes rondes de l'hyène, fortes empreintes du guépard qui ressemblent à celles d'un grand chien, paraphe souple de la vipère comme tracé, de loin en loin, d'un doigt distrait. Deux petits trous jumelés, répétés à intervalles réguliers : les bonds d'une gerboise. Un trait sinueux ponctué d'astérisques : la fuite du lézard. Autour des herbes, le peuple des scarabées a guilloché le sable de fines arabesques, de pointillés et de hachures. Le Sahara vit du crépuscule au matin. Dès que le soleil monte, chacun se retire au frais de son gîte et le vent efface sur la page de sable les secrets de la nuit.
Odette du Puigaudeau, Tagant, Phébus, 1993, pp. 176-177.
Tous les livres d'Odette du Puigaudeau sont écrits dans une langue que je trouve magnifique. Je n'ai choisi ici qu'un extrait concernant la nature, mais sa manière de rendre compte des contacts humains lors de ses pérégrinations en Afrique saharienne est tout aussi juste et vrai.
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28 avril 2008 1 28 /04 /avril /2008 22:56
Brousse.
    C'est un pays pur. Il n'a jamais connu le bruit des machines, la blessure de l'outil, le tintement d'une monnaie. Le négoce s'y borne au troc biblique d'un mouton contre du grain, des dattes ou une pièce d'étoffe, et la richesse n'y sert à rien. L'eau du puits et de la source appartient à celui qui a soif ; le bois mort à celui qui a besoin d'un feu.
    C'est une terre libre. Ni vendue, ni achetée. Conquise ? Oui, bien des fois. Mais le vent efface sur le sable fuyant les traces du vainqueur en même temps que celles du vaincu. L'enjeu est ailleurs, dans les villes et les campements, chez les hommes. Ici, le vainqueur n'acquiert que le droit de passage et de pâturage ; il ne peut que marcher pieds nus sur ce sable, comme les autres.
    Cette brousse ignore le morcellement, la clôture, la balafre des routes. Elle est sans couture, comme la tunique du Christ.
    Avant que je connusse la brousse, un nomade de l'ouest m'avait dit :
    - C'est bon la brousse ! Tu vas, tu viens, à droite ou à gauche comme tu veux. Personne ne te voit, personne ne t'empêche, il n'y a personne. Tu es libre, tu comprends... Oui, c'est ça, dans la brousse, tu es libre !
    Faut-il donc toujours que l'homme soit seul pour être libre ?
    Dans cette nature muette aux nuances assourdies, aux formes estompées par le poudroiement de la lumière et du sable, dans le secret de cette brousse où il chemine inaperçu, inentendu, inconnu, rien ne le détourne de lui-même. Rien ne brusque sa pensée, ne la stimule, ne l'oriente ou l'entraine. Elle est libre, elle aussi. Libre de suivre fidèlement son propre rythme, fuyant par des allées imprécises sous les arbres d'argent vers les clairières de sable et les promontoires au-dessus des vallées. Elle peut être à sa guise rêverie ou quête, somnolente ou ardente. Elle se nourrit d'elle-même, trouve en elle-même ses aliments et ses obstacles. Les jours sont longs et uniformes. Elle a tout le temps de décrire ses méandres et ses arabesques.
Odette du Puigaudeau, Tagant, Phébus, 1993, p. 89.
Le cours des pensées en randonnée solitaire est quelque chose de très particulier. Le plus souvent, il s'agit d'un va-et-vient entre ce qu'offre l'environnement aux sens en éveil et les souvenirs, les réflexions, les évocations ainsi suscitées. Parfois, l'environnement disparaît au profit d'un monologue intérieur suffisamment intense pour absorber l'esprit. Parfois, c'est une rengaine, musicale ou imaginaire, qui occupe l'espace de la conscience. Mais toujours, un obstacle, une difficulté, une douleur vient rappeler l'esprit à l'ordre et l'attention à l'environnement où le corps se meut. A d'autres moments, l'esprit est focalisé par le corps et la douleur qui en émane. La pensée se limite alors à la concentration sur le mouvement. Un pas. Puis l'autre. Puis l'autre encore. Tous ceux qui ont marché un jour avec des pieds couverts de cloches (les ampoules françaises) savent de quoi je parle. Et puis, il y a aussi ces moments très particuliers, souvent en fin de journée, où l'esprit et le corps sont en pilotage automatique. Moments où la pensée semble éteinte, amorphe, inexistante et qui, lorsqu'elle se réveille, apparaissent comme une parenthèse dont aucun détail ne demeure.
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20 avril 2008 7 20 /04 /avril /2008 12:16

D'un de mes livres de mer préféré, parce qu'il allie légèreté et profondeur, une série d'extraits du chapitre Atlantique :
    Le 18 octobre, jour de mon ... ième anniversaire, je le passai hors de vue de la terre, sur la mer bleue, sous ciel d'Alizé, barre attachée, en costume de bain et avec des gens que j'aime bien. Dans un bel Omoo en train de faire le tour du monde. Je n'envisage au monde rien de meilleur.
    J'eus une grande boite de cigarette anglaises et un petit poignard de Tolède. Pas féminin ? Qu'est-ce que la féminité ? C'est tendresse, rire, aide et désir de plaire. Cela n'a rien à voir avec les accessoires. (...)

    Dès le 19 octobre, plus personne ne tenait la barre, les coeurs brouillés se rétablissaient dans leur couchette et la vie se mettait au beau fixe. Nous apprenions la vraie vie de pleine mer, quand ce qui est derrière soi paraît aussi lointain que ce qui est devant et que tous les jours se ressemblent. (...)

    Le reste du temps, nous le passions sans vergogne dans nos couchettes. Il n'y avait absolument rien à faire, sauf veiller à l'usure du gréément courant et faire le point. La nuit, l'air ne s'emplissait que de nos respirations régulières et de celle d'Omoo qui faisait "broum broum" avec son étrave dans la lame. Il y a toujours mille bruits à bord d'un bateau, cordages qui battent contre les espars, vaisselle qui tinte, l'eau qui coule le long de la coque, l'objet qui se déplace au fond d'on ne sait quelle armoire, avec un toc-toc d'une malfaisante régularité et qu'aucune recherche ne peut localiser. Les silences de la mer sont toujours peuplés. Cela ne les trouble pas mais les rehausse et c'est quand un de ces bruits cesse qu'on dresse l'oreille et qu'on sait que quelque chose ne va pas. (...)

    Peu à peu, la question de la nourriture prenait une prépondérance inconnue à terre. La vie en mer vous jette des plus hautes cimes de la contemplation aux plus basses considérations quotidiennes. Et c'est très bien ainsi. Fred était l'heureux possesseur d'une bouteille de Cinzano et nous nous mîmes à chercher une occasion à célébrer. Nous la trouvâmes, bien sûr : nous passions le Tropique du Cancer. Fred était né sous ce signe. Ergo : il fallait déboucher. Quod demonstrandum erat. Jamais nous n'avons laissé échapper le cas de fêter quelque chose. (...)

    Au bout d'une semaine, le pain commença à moisir. J'en fis des toasts. Quand il fut vert, j'en fis du pudding. Après quoi, nous essayâmes de le remplacer par des céréales variées dont aucune ne le valait. Jai juré depuis de ne plus entreprendre un tour du monde sans un petit four à poser sur le Primus. Nous avions le four de la cuisinière à charbon, mais il faisait bien trop chaud pour que l'idée de l'allumer nous sourit. La cuisinière et son four servaient de garde-manger et nous mangions des biscottes, des crèpes, des scones, du porridge ou quelques-unes des soixante et onze spécialités que les Américains ont inventées pour ôter l'appétit aux petits enfants. J'essayai de faire des petits pains dans la casserole à pression, à la vapeur. Fred les baptisa plomb de sonde et je n'insistai pas. Tallow (le chien), brave petit coeur, en raffolait. Le pain est sans doute la seule chose qui nous ait vraiment manqué en mer. (...)

    De temps à autre, on voyait voler des hirondelles de mer, petites âmes de l'espace. A part cela, rien. Nous souhaitions pourtant voir des choses extraordinaires. Feuilletant les récits de traversée antérieurs, nous en trouvions pour tous les goûts : les uns avaient vu d'entières flotilles de baleines, d'autres un fil blanc de Moby Dick, d'autres encore des trombes d'eau, des requins suiveurs au regard concupiscent, des oiseaux familiers qui logeaient sur les vergues. Leurs voiles se déchiraient, leurs espars cassaient, leurs provisons fondaient. Rien de tout cela à bord d'Omoo. Consternés, nous soupirions après un phénomène marin, le plus petit aurait fait l'affaire. Jusqu'ici, pas la plus menue armée de cachalots, pas la plus naine des raies géantes. Allcard allumait son Primus et préparait sa poêle à frire avant même de boëtter sa ligne, mais chez nous, le poisson refusait de mordre. A ce compte-là, nous étions en passe de faire le voyage autour du monde le plus original, celui-où-il-ne-se-passait-jamais-rien. (...)

    La vie que nous menions ne nous semblait ni ennuyeuse ni difficile. Nous avions beaucoup de temps pour penser. Chacun pour lui-même toisait ses espoirs à la réalité, comparait sa vie passée à la présente. Les inconforts très nets, les changements, les soucis que notre vie actuelle apportait disparaissaient devant ses énormes avantages qui portaient tous des noms à majuscule : Liberté. Santé. Simplicité. Nous sortions du troupeau. Cela n'impliquait pas un vain orgueil. Ennemis de certaines formes de la civilisation, nous ne manquons pas d'apprécier ce qu'elle nous offre d'utile. (...)

    Le fait de naviguer par lui-même est déjà très absorbant. Il n'y avait pas le plus petit espace libre par où pût se glisser l'ennui. L'absence des mille choses qui à terre vous éparpillent l'esprit nous laissait la possibilité de rêver, de réfléchir ou de nous concentrer. Cela paraît pédant, tout ce que je dis là, mais puisque j'ai promis de ne dire que la vérité... Nous ne respirions pas toujours l'air raréfié des cimes, beaucoup s'en faut. Il reste pourtant vrai que la mer fait ou défait son homme. Comme les vernis d'Omoo, elle efface notre pellicule sociale. Réduits à l'essentiel, nous pouvions nous voir tels qu'en nous-mêmes, les artifices et la hâte perpétuelle de la terre nous avaient laissés. Notre optique se transformait. Jamais plus elle ne retrouvera sa première forme. (...)

    Le lendemain matin, la Barbade était en vue. J'étais justement de quart, par un coup de chance. A moi la prime ! Ma victoire provoqua des grincements de dents et des motions de protestation que je rejetai. C'était mon quart, c'est entendu, mais rien n'avait empêché les autres de se lever au point du jour pour scruter l'horizon en ma compagnie. La terre était basse et difficile à discerner, mais c'était bien elle. Nous eûmes un superbe lever de soleil avec nuages doublés cuivre, puis un grain violent suivi du plus bel arc-en-ciel double que j'aie jamais vu. Il enjambait le premier navire depuis l'Ashanti Palm, un pétrolier. Des oiseaux de mer tachetés de gris, à l'air féroce, des paille-en-queue gracieux faisaient vivre l'air. Nous étions sûrs de notre navigation, du moins j'étais sûre de celle des hommes, car ce petit bout de terre si facile à manquer vers lequel pointait notre beaupré, c'en était la preuve par neuf. Nous nous en félicitâmes l'un l'autre en brandissant des verres de whisky. (...)

    Le soir, dans note cockpit, je me laisse bercer tout doucement. Quel repos ! Il fait chaud, le ciel est pur et indigo, l'air est doux et l'eau transparente comme du verre à bouteilles. Je me sens toute étourdie, toute flottante, comme si ces vingt-trois jours de traversée avaient provoqué une légère ivresse, pas encore dissipée. Je regarde dans le journal de bord du capitaine. Il se termine par cette remarque : ce fut très facile !
Annie Van De Wiele, Pénélope était du voyage, Flammarion, 1954, pp. 89-100.
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19 avril 2008 6 19 /04 /avril /2008 14:05

14 avril. - Fait ma promenade quotidienne par -33°C. Le soleil était tombé derrière l'horizon et un bleu, d'une richesse inconnue, envahissait tout, hors les dernières étincelles du couchant. A l'ouest, à mi-chemin du zénith, Vénus resplendissait tel un diamant. En face, dans l'est du firmament, scintillait une autre étoile brillante aussi admirablement montée que Vénus dans sa mer bleue. Au  nord-est une aurore serpentine vert argent frémissait doucement. Par endroits, la blancheur de la Barrière (banquise) prenait des teintes de platine mat. Tout cela était délicat et passager. Les couleurs étaient atténuées et leur palette restreinte, les bijoux n'étaient pas nombreux et sobrement montés. Mais cela formait un ensemble où l'on reconnaissait une main de maître.
    Je me suis arrêté pour écouter le silence. Mon souffle se cristalisait en traversant mes joues et devenait une brise plus douce qu'un murmure. Les girouettes pointaient vers le pôle Sud. Brusquement, elles cessèrent de tourner, indiquant que le froid venait de tuer le vent. Ma respiration gelée était suspendue comme un nuage au-dessus de ma tête.
    Le jour mourrait, la nuit venait tranquillement au monde. Les événements et les forces impondérables de l'univers se déroulaient et se jouaient ici silencieusement, harmonieusement. Oui, harmonieusement. C'était bien cela qu'il y avait dans ce silence, un rythme doux, la résonnance parfaite d'une corde de musique, la musique des hémisphères peut-être.
    Il me suffisait de saisir ce rythme, de m'en sentir momentanément partie intégrante. A cet instant, j'ai senti combien l'homme fait un avec l'univers. J'ai acquis la certitude que ce rythme est trop ordonné, trop harmonieux, trop parfait pour être un simple produit du hasard, que donc derrière tout cela il y a un dessein, que l'homme, loin d'être pur accident, entre dans ce dessein. Ce sentiment élève la raison, il descend au coeur d'un être et lui fait découvrir l'inutilité du désespoir. L'univers ? Un cosmos, non un chaos ! De cet univers, l'homme fait partie au même titre que le jour et la nuit.
Richard E. Byrd, Seul, Phébus, 1996, p. 80.

L'ordre de l'univers est-il l'indice d'un dessein qui le traverse ou le simple signe d'une grande mécanique ? Pour moi, le signe du dessein n'est pas dans l'ordre ou dans la régularité. Celle-ci n'indique au mieux qu'une répétition aveugle et anonyme, signe éventuelle d'une mise en ordre passée. Le signe du dessein réside plutôt dans la conscience humaine jaillie de cet univers-même, et qui s'interroge, y percevant de l'ordre, de la beauté, et faisant passer cet univers de l'inconscience à la conscience, l'ordonnant dans une connaissance vivante. Un dessein ne se manifeste pas dans un ordre car un ordre reste essentiellement statique et figé. Un dessein se manifeste plutôt dans un mouvement, une dynamique, qui indique une direction et une provenance, une origine et une fin, non une répétition. En ce sens, la question devient : est-il anodin que l'univers finisse par produire des êtres capables de le connaître et de le réfléchir, d'en décoder les lois et de le trouver beau ?
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17 avril 2008 4 17 /04 /avril /2008 21:25

    Il y a quelques années, les habitants du West End de San Miguel ont inventé un nouveau sport : massacrer les chiens de prairies. Ils partaient en cohorte de voitures vers la colonie de chiens de prairie, à la tombée du jour, armés de leurs "fusils à vermine" équipés de gigantesques télescopes. Ensuite, ils se couchaient dans l'herbe et attendaient.
    Ils n'avaient jamais à attendre longtemps.
    Chaque fois qu'un chien de prairie émergeait de son trou, l'un d'eux tirait dessus. BANG ! Le minuscule cadavre, traversé de part en part et déchiqueté par la grosse balle, décrivait une pirouette dans les airs au milieu d'un petit nuage de poussière. Il atterrissait comme une chiffe molle gorgée de sang, retombait à terre avec un bruit mat, et on avait peine à croire qu'une fraction de seconde auparavant, c'était encore une créature frémissante de vie.
    BANG ! BANG ! BANG ! Les petits corps s'empilent. Le champ poussièreux tremble et ondule dans la chaleur de feu. Tandis que le soleil se couche, ils ramassent les cartouches pour les remplir à nouveau de retour à la maison et s'en resservir. Ils s'entassent ensuite dans leur jeeps, braillant et chantant comme des soudards. Ils laissent derrière eux, à pourrir là, trois cent dix-sept cadavres de chiens de prairie.
    Les colonies de chiens de prairie sont une des merveilles de la nature en Amérique du Nord. Les premiers explorateurs de l'Ouest décrivent avec stuppeur ces habitats qui s'étendent sur des miles et des miles dans l'herbe rase des plaines, à perte de vue. (...)
    Après plusieurs années de "chasse", si on peut appeler ainsi ce jeu de massacre, la colonie de la partie occidentale du comté s'est mise à montrer d'immanquables signes de détérioration. La plupart des terriers étaient abandonnés, vides de tout occupant. Il fallait parfois attendre une demi-heure, voire une heure entière, pour réussir à en dégommer un ou deux. Vraiment, ça n'était plus aussi marrant ; en fait, ça avait même quelque chose de déprimant. Des membres du groupe original de chasseurs se sont mis à déserter les rangs ; deux semaines, trois semaines, un mois entier se passa sans que personne ne vienne "faire sauter en l'air quelques chiens".
    - C'est peut-être mieux comme ça, dit un soir au bar le Gros Pat. Ça donnera à ces petites saletés l'occasion de se repeupler. A la vitesse où ils se reproduisent, y en aura bien deux fois plus qu'avant d'ici deux ans.
    Mais les choses ne se sont pas passées comme ça. Une ligne invisible avait été franchie, impossible de dire exactement quand, entre la survie et l'extinction, la mort et la vie. Les rangs des chiens de prairie ont continué à se dépeupler. Moins d'un an après la prophétie optimiste du Gros Pat, il n'y en avait plus. Ils avaient disparu pour toujours, c'est-à-dire pour très très longtemps. Là où se trouvait autrefois une ruche souterraine bourdonnante de vie, avec des milliers de petits yeux vifs et de corps agiles au poil lustré, il n'y avait aujourd'hui plus rien. Rien qu'un champ vide, un désert de broussailles et de chaparral, avec çà et là, une canette de bière abandonnée.
Rob Schultheis, L'or des fous, Gallmeister, 2008, pp. 100-102.

L'extraordinaire vitalité qui se manifeste dans la nature pourrait nous faire croire que rien de définitif ne peut l'atteindre et que l'on pourra toujours faire marche arrière, la nature réparant, avec le temps et parfois l'aide de l'homme, les dommages et les cicatrices causés par les activités humaines. Rien n'est moins sûr. Car l'homme dispose d'un pouvoir technique d'influence, et donc potentiellement de nuisance, incommensurable par rapport à toutes les espèces qui sont apparues jusqu'à présent sur terre. Pour l'homme aussi, pour la terre aussi, n'y a-t-il pas une ligne invisible de partage entre la vie et la mort qui ne se révèle que lorsqu'elle est dépassée, que lorsqu'il est trop tard ?
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16 avril 2008 3 16 /04 /avril /2008 21:20

"Où étais-tu donc ? On commençait à être inquiets, même les pêcheurs ne t'avaient plus vue !"

Je suis tentée de répondre à Max que j'étais au paradis.
Depuis plus d'un mois, je n'ai vu aucun être humain et j'avais presqu'oublié que j'en étais un, à force de vivre parmi les animaux des Galapagos.J'ai encore les yeux remplis de paysages fabuleux, le coeur plein de ces émotions qui n'ont pas de nom mais vont profond, profond au fond de l'âme et vous laisse gai ou triste.

Tant de baies, d'îles, de rochers déserts. Et plus on s'éloigne des lieux habités, plus les animaux sont familiers. A Plazza, une petite otarie avait élu domicile dans mon dinghy. Le ventre en l'air, la tête reposant sur le coussin gonflable du siège... Pour reprendre possession de mon youyou, j'ai dû le retourner pour en vider l'otarie qu'aucune parole, aucune secousse vigoureuse n'avait décidée à bouger. A peine mon dinghy remis à l'endroit que hop! ce drôle d'individu ressautait dedans. C'était devenu un jeu...
La nuit, par un beau clair de lune, je les ai vues jouer à la balle avec mon zodiac, le poussant de l'une à l'autreà l'aide de vigoureux coups de nez. Subitement lassées de ce jeu, elles sont venues se gratter le dos à la carêne de mon bateau. Ah ça, non ! Mon antifouling ! A la lueur de la lune, je voyais des nuages de ma précisuese peinture se mèler à l'eau. Que faire ? Impossible de les effrayer : mettre à l'eau ma torche étanche allumée, sauter à pieds joints dans le bateau pour faire un maximum de vacarme et finalement mettre le moteur en route. Rien ne leur fait peur !

Mais mon plus joli souvenir d'otarie, c'était à Santiago. Une côte de lave craquelée d'innombrables crevasses où l'eau s'engouffre lorsque la mer est forte, creusant de profonds tunnels.
Il faisait beau, l'eau était d'un vert lumineux, entourée de roches noires. J'avais envie d'une langouste et m'étais mise à nager, ce qui n'est pas dans mes haitudes car j'ai peur de plonger seule. Sans raison bien fondée, mais c'est comme ça, et ce brin d'anxiété me gâche le plaisir. Enfin, je voulais une langouste ! Et je plongeais en pensant... à une rencontre possible avec un requin. Etat d'esprit idéal pour qu ela terreur me pétrifie lorsqu'une forme noire, ombre vivante, rapide comme l'impossible, fonce sur moi. A la dernière seconde, d'un mouvement souple comme l'eau, la "chose" m'évite et je reconnais une grosse otarie qui me lance au passage un coup d'oeil malin. Elle m'a bien eue et on jurerait qu'elle se paie ma tête. Elle revient, recommence, mais cette fois, j'ai réussi à la toucher, elle bondit. Ah, Ah ! A chacun son tour, ma vieille ! Et c'est le début d'un jeu extraordinaire où je ne gagne que rarement et sans doute parce que l'otarie le veut bien. Je suis d'une telle lenteur dans l'eau comparée à son agilité ! Au bout d'un petit quart d'heure, je mets pied à terre, si fatiguée que je ne peux me tenir sur mes jambes. Une grosse tête sort de l'eau : mon otarie ! Elle me regarde, vient frapper de ses nageoires le rocher où jeme trouve plonge, revient et recommence... On dirait un chien qui veut jouer ! C'est tellement clair que je retourne à l'eau, l'otarie est là et nous reprenons ce drôle de jeu.

Pas de langouste pour mon dîner, mais l'un des plus beaux souvenirs de mes Galapagos.

La tente de Max s'emplit d'odeurs extraordinaires, de choses qui fristouilles, d'ail, de chou... Tout en m'écoutant, Yolande tourne dans ses casseroles. J'ai du mal à penser à ce que je dis, la perspective du dîner me coupe la parole. Tant pis, je leur raconterai une autre fois ou peut-être jamais les escalades de volcans, le Sombrero Chino dont les parois cassent sous les pas avec un bruit de vaisselle brisée, la raie manta plus large que l'Esquilo, les centaines de dauphins au ventre rose, les mouettes aux ailes ouvertes que le vent attrape et jette dans les airs...
Nicole Van De Kerchove, Sept fois le tour du soleil, M.D.V., 2001, pp 117-119.
Encore un petit extrait en hommage à cette navigatrice disparue récemment.
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13 avril 2008 7 13 /04 /avril /2008 17:35

Deux extraits montrant l'écart ou l'évolution dans le rapport à la nature d'une époque à l'autre, mais aussi, dans le second, d'un milieu social à l'autre.

Dans le premier extrait s'exprime un explorateur français du 19ème siècle racontant une expédition en Indochine. Notez l'écart entre l'émerveillement devant la nature et la conclusion on ne peut plus abrupte.

Dans le second extrait, un américain contemporain raconte son entretien avec une éleveuse de bétail de l'Amérique profonde. A nouveau l'écart de perception est éclairant.

"Voilà deux ans que j'ai quitté la France, et mes camarades partis en même temps que moi pour le service de la Cochinchine s'embarquent aujourd'hui à Saigon pour rentrer en Europe. Il y en a toutefois qui manqent à l'appel, tandis que moi, malgré tout, je suis encore là, solide et bien portant. (...)
Je ne donnerais pas ma place, ici sur ce plateau, pour un empire. Une température délicieuse, des récoltes de plantes abondantes, des oiseaux merveilleux, des insectes aux chatoyantes couleurs, tout cela au sein de la nature la plus magnifique, que puis-je désirer de plus ? Une seule chose, c'est que cet enchantement puisse durer longtemps, et c'est justement impossible. Aussi, est-ce avec une ardeur fièvreuse que je me mets en chasse, parcourant ravins,  mamelons, forêts, clairières : coupant, taillant, grimpant aux arbres, écorçant tous les vieux troncs que je rencontre, massacrant tous les animaux qui passent à ma portée."
Jules Harmand, L'homme du Mékong, Phébus, 1994, pp 99-100.

Les Rocheuses du Colorado regorgent de ce genre de type, des hommes qui détestent simplement tout ce qui est sauvage. C'est une haine qui dépasse les bornes de la raison. Je me rappelle avoir parlé, il y a quelques années, à une vieille éleveuse, près de Ridway. Je lui raconte que j'ai vu un blaireau dans les prairies situées à l'est de Boulder, quelques semaines plus tôt, et que l'animal m'a semblé formidablement beau, musclé et le ventre aussi plat qu'une poêle à frire, filant sur l'herbe brûlée par le soleil avec cette démarche ondulante, inimitable. Incoyablement beau !

La vieille femme plisse les yeux derrière un écran de fumée de cigarette.
    - Nous, on en a trouvé un, gros et vieux, dans ce champ là-bas, il y a quatre ans. (On dirait qu'elle évoque un souvenir joyeux). Et puis costaud, avec ça. Il a fallu qu'on l'étouffe avec un manche de pelle, deux hommes adultes qui appuyaient de toutes leurs forces à chaque bout, et même comme ça, il lui a fallu cinq minutes pour crever.

Je ne sais pas quoi répondre. Félicitations ? Vous êtes de vrais chefs ? Alors je ne dis rien.
Rob Schulteis, L'or des fous, Gallmeister, 2008, p. 100.

Le premier extrait me semble un bon exemple du regard scientifique qui détruit ce qu'il observe ; le second, un bon exemple du regard "utilitaire" sur la nature,une nature à laquelle on n'accorde de valeur, et donc de respect, que si elle sert : on peut supposer que l'éleveuse n'aurait pas apprécié que l'on fasse la même chose avec l'une de ses bêtes, du moins, avant le passage à l'abattoir...

Pour la plupart des citadins que nous sommes, la nature est devenue quelque chose d'éminament romantique. Dans des forêts aseptisées et sans dangers, où tout est beau et gentil, on oublie pourquoi nos ancêtres la craignaient, tuant tout ce qui bougeait.  Ce regard romantique contemporain ne me semble pas meilleur. Il oublie que la nature est dure et sans pitié vis-à-vis d'elle-même. Et l'homme qu'elle a produit n'est pas différent des autres espèces en ce sens. Sinon qu'il est le premier à se poser cette question du respect et de l'équilibre du milieu où il se trouve. Et ainsi, à sortir de la nature et de sa logique aveugle et inconsciente. D'où ce paradoxe : que pour se poser la question du respect de la nature, il faut en être sorti !
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9 avril 2008 3 09 /04 /avril /2008 10:07

Au coeur du quartier des artisans, nous avons découverts la petite mosquée à laquelle on accède par un escalier passant entre maisons et magasins. Nous avons enlevé nos chaussurres et sommes entrés. La salle qui nous accueillit était de proportion absolument parfaite et infiniment apaisante. Murs et colonnes étaient entièrement revêtus de précieux carreaux de faïences bleu et blanc : leur vue distrait d'abord et provoque un léger désarroi, mais incline ensuite l'esprit à l'abstraction et à la méditation.
Un Turc me montra un coran ancien écrit et peint à la main.
"On ne peut copier le livre saint que si l'on se tient à distance de toute pensée, me dit-il. Dès qu'une idée trouble le silence intérieur, on doit interrompre le travail."
En début de soirée, il y eut affluence à la mosquée : des vieillards, vêtus de haillons ou de façon fantaisiste, d'honorables artisans et des marchands corpulents, des aristocrates et des gens à la mine patibulaire. Personne ne faisait attention à nous. Par les fenêtres ouvertes et grillagées nous parvenaient les bruits de la rue : cris, querelles, boniments et marchandages. Mais les vieillards agenouillés sur des tapis aux couleurs claires se livraient en toute quiétude à leurs nombreuses dévotions.

Annemarie Schwarzenbach, Hiver au Proche-orient, Payot, 2008, pp. 27-28.

Voilà ce que j'aime chez les bons écrivains voyageurs : peu de mots pour évoquer un monde, éveiller l'imagination ou rappeller des souvenirs...
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  • : Un blog de Nature Writing
  • : Aimant la nature, la randonnée la philosophie et les récits de voyages, je vous livre ici des extraits, parfois commentés, de livres que j'ai aimés, en rapport, et si possible à l'intersection, de ces différents sujets.
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